Par un violent contraste, Sound of music d'Yan Duyvendak, exprime dans le langage utopique des comédies musicales des trente glorieuses, l'absolu cauchemar de la fin du monde, vers lequel s'oriente l'humanité. La comédie musicale fait parfois résonner l'apocalypse comme un chant du cygne. Dans la chorégraphie de clôture d'Olivier Dubois, baptisée ironiquement Rain dance, d'éblouissants rideaux d'or tombent sur la scène par couches successives, comme des couperets, pour figurer l'envahissement de la chaleur, jusqu'à ne laisser plus qu'une place infime aux danseurs, qui continuent pourtant leur ronde festive en aveugles. Pendant ce temps, la musique d'Andrea Cera, de plus en plus oppressante, recompose l'emballement d'un organisme qui s'enfièvre jusqu'à la rupture. All right, good night ! Le spectacle a la même force testamentaire qu'un All that Jazz de Bob Fosse... Un spectacle peut-il changer la face du monde ?...https://vimeo.com/149621929
Pourquoi ne faut-il pas manquer la dernière création de Joël Pommerat : Ca ira, fin de Louis ? Parce que c’est -pourquoi non ?, du niveau des pièces historiques de Shakespeare ; pour le mélange des registres ; parce que Pommerat, qui a écrit et mis en scène la pièce, restitue toute la complexité de la révolution française en parvenant à nous donner les repères et les lignes de forces nécessaires pour qu’on y comprenne quelque chose ; parce qu'il évite de mettre en scène les g...randes figures et les grands mythes de la révolution ; pour les anachronismes qui suggèrent que la pièce nous parle de notre actualité par le biais de la révolution, ou bien que la révolution est toujours vivante, vibrante, constitutive de notre actualité ; parce que la pièce pose des questions sur le fonctionnement de la démocratie (le peuple est-il un maître qui a besoin d'un maître ?) ; parce que c'est merveilleusement bien joué ; pour la mise en scène, enfin, pleine de trouvailles et de fraîcheur : Pommerat utilise aussi bien l’espace scénique que celui du public pour mieux nous plonger dans les événements. On a l’impression d’en être. On ne voit absolument pas passer les 4h que dure la représentation. Un événement majeur en ce début de saison ! (N.T.)

Quelques impressions sur "4" de Rodrigo Garcia, perturbant spectacle de métaphores vivantes (et violentes) : des coqs en baskets déambulent dans la galerie des glaces du palais de Versailles, un musicien joue de la guitare électrique avec un archet de violoncelle, un concert d’insultes éclate dans toutes les langues contre une peau de renard qui parle, un drone promène bruyamment un carillon sur la scène, deux corps se roulent jusqu’à se trouver nus sur un savon de marseille géant, un couple de little miss sunshine se dandine sur des talons trop haut, il règne ici un humour absurde, burlesque et parfois, désespéré. Le culte du sport y est sauvagement moqué, comme les modèles de vie et de divertissements érigés par notre société de consommation. La face B des choses enfin (à commencer par la vie du corps) est exposée, comme une charogne. Vivant et décapant. (N.T.)

Entre Haka et vaudou, Monument O d'Ezsther Salamon évoque la guerre à travers des danses tribales peu explorées par le répertoire contemporain ; les corps désarticulés, épileptiques, ont d'autant plus de présence qu'il n'y a pas de musique pour accompagner leurs chorégraphies macabres et mystérieuses : seulement la voix et le souffle des interprètes. Et pourtant on reste fascinés comme devant des serpents qui dansent ! C'est que ces macchabées, surgis d'un autre temps, exploitent jusqu'à leur visage qu'ils font grimacer ; leur jeu, qui dégage une claire fascination pour la mort, est traversé par des éclairs d'érotisme (Eros y croise souvent Thanatos), et le public s'y voit ouvertement défié comme s'il allait affronter les danseurs ! C'est un théâtre de la violence qui a la force des cérémonies primitives... (N.Tréhel)