Rencontre avec Félicie Roblin, productrice de La Gueule de l'Emploi, documentaire de Didier Cros

 
 
"Plus qu'une réelle leçon ou une dénonciation des méthodes utilisées par les organismes de recrutement, ce documentaire nous donne à réfléchir sur ce que pourrait être la société idéale, car entre humain et profit, on lutte pour trouver sa place. Il ne s'agit pas ici de condamner, mais de montrer ce qui dérange, en nous proposant un exemple et non une exception, de ce qui est à la fois
la colonne vertébrale et la principale épine de notre société."
 
Anaëlle Carpentier
 
Article de Julie Villeneuve 
« La guerre de l’emploi » de Didier Cross est un documentaire, qui, en plus de présenter un entretien d’embauche interminable, témoigne d’une animalisation de l’Homme.

Tout au long de ces 90 minutes on assiste aux premières loges à un spectacle offert par les recruteurs ; à humilier, rabaisser et casser les personnes venues passer cet « entretien ».

La méthode employée afin de tester les participants est plus que choquante.

Peu à peu ce jeu fait place à la rage. Un froid s’installe entre tous. On assiste à une bataille sans merci où même des grandes figures telles que Napoléon et Victor Hugo se déchirent le pouvoir. Le vainqueur sera celui qui écrasera  l’autre sous les yeux amusés des jurys.

Le documentaire n’offre absolument pas une vision idyllique de l’emploi. Non, il nous expose une réalité aussi vicieuse qu’elle puisse être, une véritable loi de la jungle où seul le plus fort remportera la victoire.

Et quelle victoire ? Un salaire moyen et pas à la hauteur d’un tel entretien, qui, de plus reste inconnu tout au long des 60 premières minutes alors que la bataille, elle, est déjà engagée.
 

Océane BY
Critique et journaliste du magazine « Une société en éclat »
 
Félicie Roblin,
Zadig productions
"né avec le millénaire et produit, depuis 10 ans maintenant des documentaires d’auteurs,
porteurs d’une écriture forte"
 
 
 
Un véritable « coup de gueule » ! 
C’est en suivant Didier Cros derrière sa caméra, que l’on découvre avec stupeur l’univers des cabinets de recrutement. Des candidats prêts à tout pour trouver un emploi, une autorité abusive de la part des recruteurs et un monde qui tourne d’une drôle de façon.
Ce n’est plus un simple entretien mais, une série de test tous aussi déstabilisants les uns que les autres qui vont départager les candidats. On pourrait adhérer facilement à ce principe de recrutement, où le C.V n’apparait que dans un dernier entretien personnel et où l’improvisation et la répartie sont les mots- clés. Hélas… C’est sans compter sur la sélection progressive qui nous rappelle l’esprit de téléréalité et où le mot humiliation nous vient sans cesse. Certains principes choquent et déplaisent !
Les candidats ne sont pas informés du poste pour lequel ils se battent, ils sont soumis à une autorité qui les réduit à un statut d’écolier et se donnent en spectacle comme des animaux s’entretuant, pour le plus grand plaisir des recruteurs. Ces derniers ne comprennent pas que l’on puisse abandonner lorsque l’enjeu est tel… Mais faut-il être prêt à tout sous prétexte que l’on est au chômage ?! Se battre autant, aussi longtemps pour au final un salaire bas… Ne faut-il pas préférer la dignité ?
 
Marion CHAMPAGNE,
 « Les cris du chômage »
 
 
 
« La gueule de l’emploi ». Encore un reportage sur le racisme dans le milieu de l’entreprise ?  Même pas. Dans ce documentaire de Didier Cros, personne n’est exclu ; personne n’est à l’abri.
                Laissant de côté une objectivité trop impersonnelle, le réalisateur prend le parti de nous faire vivre une session de recrutement aux côtés d’éventuels candidats, en nous faisant partager leurs expériences et leurs sentiments. Un résultat alarmant, diront certains ? Non, juste la réalité d’un marché du travail de plus en plus exigeant, où l’humain doit céder la place au profit.
                Recrutement collectif, exercices d’improvisation, mises en scène : une technique originale aux yeux des non-initiés, mais le quotidien de ces recruteurs. A la limite de l’infantilisation, de l’humiliation même selon certains candidats ; peu de postulants retenus pour un salaire dérisoire : choquant ? Et pourtant ceci est monnaie courante ; sur un marché du travail en crise, entre farce et tragédie, toutes les conditions deviennent acceptables pour continuer à vivre.
 
Emeline Jenger
 
 
POH-L'EMPLOI
Vidéo (à venir) de Camille Caillet, Marine Dos Santos, Noémie Eyoum,
Juliette Goulam, Virginie Midoux, Chloé Raguin et Anastazja Szuba

Spectateurs de Plage Ultime, aux Amandiers...




     Notre ultime spectacle aux Amandiers,
     Plage Ultime, mise en scène de Séverine Chavrier.
 
La réalité nous percute de plein fouet. Seul au fond de la scène, un homme décrit ce qu'était la vie "... Avant, on avait des balcons et il n'y avait pas de filets, alors oui je suis nostalgique". Des rires retentissent dans le public, mais on sait bien que c'est de l'ordre du drame. Le consommateur somnambule s'est fait bouffer par la technologie. Alors il déprime.
 

L'homme trop pressé ne prend pas le temps d'apprécier la vie, il se donne de la valeur à travers les objets qu'il consomme. Il consume la vie dont il surestime la longévité.

 

 

L'adolescent joue du piano dans la brume, récitant sur le bout des doigts les leçons à son père qui le harcèle. "Ce n'est plus l'adulte qui était seul avec l'enfant mais l'enfant qui était seul avec l'adulte."

Faut-il aimer travailler ou travailler à aimer?

On apprend l'Histoire, on s'attache faussement à l'origine des choses sans en tirer de leçon. Et l'on s'abandonne à la performance, en délaissant les rapports humains.

 

 

De temps à autre, un acteur s'empare d'une caméra. Il filme au plus près ce qui se passe autour de lui. Les images sont retrancrites en direct sur l'écran, ce qui crée un double niveau de lecture. On se sent d'autant plus concerné par ce qu'il se passe sur scène.
Camille Orlandini

Spectateurs de la Nuit des Rois, aux Amandiers






Le spectateur est très impliqué dans le spectacle : il frémit, il rit (souvent), il est ému...
Une ambiance d'euphorie dans le public.
 
 
Vue d'ensemble de la scène, exposition (Juliette, Anastazja, Chloé, Marine)

Un décor métonymique :
avec peu de choses, ils peuvent construire toute une pièce.







Matérialiser l'espace de la tempête, des vagues, de l'eau, les chaises sont éparpillées dans la salle, pour représenter les secousses...



Lumière et son (Jacques, Noémie, Virginie, Camille)

Un spectacle vif, avec du mouvement, des transitions en musiques, visibles.


Le spectacle vise l'émotion car il traite de sujets sensibles tels que l'amour égalitaire
entre homme et femme...
 
 
... ou encore le comique grâce à des situations de farce et de fête.
 





















Mise en scène globale, public (Angela, Iris, Océane, Cassandre)



 
"Mais, n'importe, la pièce est finie,
Et nous tâcherons de vous plaire tous les jours."
 (Fin du cinquième et dernier acte)

 

Avant La Nuit des Rois

Travail de mise en scène d'extraits de La Nuit des Rois de Shakespeare


 


 
    
I, 5 Olivia, Malvolio et Feste (dédoublé !)
 
 
 
Viola travestie en Césario et Feste, le fou (I, 5)
III, 4
 
 
 
Sir Toby et Sir Andrew (II, 3)
 
 
 
Feste (I, 5)

Spectateurs de la Vie dans les plis, aux Amandiers


 
Premier spectacle de notre saison au théâtre des Amandiers de Nanterre :
La vie dans les plis, d'après des textes de Michaux,
mis en scène par Blandine Savetier et Thierry Roisin
 
 
 
 
 
Premier tableau
 
    La pièce démarre, c'est la première scène, le premier tableau. Entrent plusieurs personnages ; ils marchent, avancent, reculent, s'assoient, s'agitent, ralentissent, repartent. Il y a du mouvement partout. Mais lentement, dans le fond,  une ombre semble se mouvoir. Un corps, recouvert de noir, le visage caché, rampe. Il rampe centimètre par centimètre, d'un bout à l'autre de la scène. Au coeur de l'agitation, sa présence est sourde, presque invisible ; pourtant elle me saute aux yeux. Cet être semble malade, fragile, vulnérable. Il paraît dénué de vie, plus proche d'une mort immente. L'angoisse s'insinue lentement, au rythme de son avancée, dans ma tête. Comme un malaise, un bourdonnement sourd, présent sous l'effervescence de cette scène, qui nous plonge dans la tête de Michaux.
Marine Dos Santos
 
 
 
 
"Dès le début l'ambiance est donnée, noire, glauque.
Des personnages qui rampent, des silhouettes étranges
tout droit sorties d'un film d'horreur, d'autres êtres déjantés.
Une musique bruyante, une cacophonie assumée,
assourdissante, un texte décousu, pas de filiation
possible, il faut oublier la logique,
il n'y en a pas."
 
Juliette Goulam


 
 
 
 
 
Un beau délire lyrique !
     Des personnages plus dingues les uns que les autres, des costumes atypiques, une mise en scène sans queue ni tête, et pourtant … on adhère !
     Le spectacle nous transporte dans l’univers d'un auteur insaisissable dont les textes nous illusionnent, par leur humour sarcastique et leur vitalité poétique. Le jeu des acteurs est tout aussi phénoménal : quel plaisir de voir Anne Sée nous tenir un discours extravagant sur la couleur rose, ou encore d'admirer Irina Solano déambuler sur la scène et nous montrer son penchant infini pour la danse. L’orchestre ajoute à la pièce encore plus d’ardeur faisant presque trembler les murs du théâtre. Le public reste scotché, avec la sensation d’être en pleine hallucination, comme dans un rêve ou pour certains un cauchemar … Mais c’est un pari réussi pour la troupe qui a su nous transporter avec elle et nous faire décoller de notre siège.
Laura Pizon
 
 
"Durant cette heure et demi j'étais vraiment dans la tête, dans l'esprit d'Henri Michaux,
je voyais ses haluucinations, vivais ses récits, partageais ses migraines
ou autres bruits sourds, j'étais sous mescaline."
Mathilde Gignoux
 
 
 
        "Lorsque tout ralentit et que des figures angoissantes traversent la scène - qu'on peut considérer comme l'espace mental de Michaux, c'est là que je retrouvai le mieux l'auteur qui loin de m'inquiéter, m'aide au contraire à supporter les périodes où mon propre théâtre mental est investi de pareils personnages. "Mon malheur (...) dans ton horreur (...) je m'abandonne" : il a de la franchise dans sa névrose, mais dans la mise en scène, ce qui reste rassurant, c'est que même dans ces moments de flottement, l'orchestre silencieux rest un lien au réel et à la raison."
Solène Petit
 
 
 
 




 
Quelque part vers le large
     Rose, blanc, noir, le ton est donné : tonitruant, assourdissant lors des passages sous mescaline et soudain d'étonnantes silhouettes hybrides traversent la scène. Sur fond de ruelle les musiciens du balcon se mêlent aux comédiens. La multiplicité des rythmes qui voient se succéder les tirades, les costumes, les jeux muets, nous déstabilise et nous emmène au loin, quelque part vers le large, où l'on se laisse vite emporter par les courants, bercés par d'impétueux remous.
Anaëlle Carpentier
 
 
 
 
"L'intérêt est peut-être dans le fait de voir
quelque chose qui nous dépasse, nous qui
cherchons toujours un sens."
Cassandre Jack
 


Médiateurs de l'exposition d'Akemi Noguchi


Lundi 15 octobre : six étudiantes de MàNAA
présentent aux élèves de grande section
de l'école des Moissons de Vauréal, 
l'exposition du graveur japonais Akemi Noguchi,
à la Petite Galerie. 

 
 







 

Connaissez-vous le Japon ?

 





Comment graver...




La lune folle et À marée basse
Estampes d'Utamaro, fin XVIIIe siècle.




 

 


 

De retour à l'école, les écoliers
ont raconté leur "sortie au lycée Camille Claudel"...
 

Lecteurs d'Akira Mizubayashi


     Parcourant Une langue venue d'ailleurs, nous nous arrêtons sur un "souvenir-cicatrice" qui a meurtri l'auteur japonais Akira Mizubayashi, ce genre de lapsus qui résonne encore en soi... Puis chacun de nous cherche le souvenir d'un rapport singulier à la langue, qu'elle soit maternelle ou étrangère.


     "Un souvenir, c'est beaucoup dire, je dirais plutôt un manque de souvenir, je ne me souviens plus, je ne me souviens jamais. Alors j'invente ou je réinvente la langue française, pour qu'elle devienne ma langue." Camille Caillet

 
 

R.I.E.N

     "Depuis que j'ai appris à écrire, j'ai rencontré un problème, il s'agit de l'orthographe. Je suis une ancienne dyslexique. En CE1 ma maîtresse m'appelle à son bureau pour qu'on puisse parler de ma dernière dictée : il y a une faute qu'elle n'a pas saisie. Elle me montre l'intéressée. Je lis le mot "rien", ce simple mot où il n'y a aucun piège, et pourtant j'ai quand même réussi à mal l'orthographier. J'ai écrit R-I-E-N-D. Je me suis alors revue l'écrire pendant la dictée, et à ce moment-là pour moi il s'agissait d'un verbe ! J'ai conjugué le verbe riendre." Joanna Jameux
 
  

     "Il y a quelques années, en CM2, lorsque la maîtresse nous donna des sujets d'exposé à présenter à l'oral, je sentis monter en moi un sentiment de malaise, car j'étais très timide. Le travail de recherche terminé, ce fut, pour ma camarade et moi, le grand moment de passer au tableau.
     Dans la précipitation, une erreur s'était glissée dans notre texte, et c'était bien sûr à mon tour de lire... Au lieu de dire le mot "cahier", stressée, je lus bêtement l'erreur et prononçai "chier", devant toute la classe, qui se mit évidemment à rire. Je n'ai jamais eu aussi honte." Juliette Goulam
 
 

Française

 
     "Printemps 2011, il est huit heures du matin. Des dizaines de personnes attendent dans le couloir, certains révisent, d'autres se concentrent et font le vide dans leur esprit. Moi je me tiens debout face à la porte, j'ai peur et pourtant je connais mes textes. Quarante-deux textes lus, relus, appris et commentés, juste pour ce jour. Dix heures. Je suis la dernière de la liste de passage. Je connais mes textes. Je ferme les yeux et me concentre sur ma respiration. L'examinatrice m'appelle, je rentre dans donc dans la salle, et c'est là que tout commence. Le sujet, que je connais si bien, me devient étranger. Lorsqu'elle m'appelle à sa table, elle me demande de lire le texte, et les mots ne sortent plus, ou du moins ils sortent différemment. Face à mon désespoir, l'examinatrice me demande alors : mais êtes-vous vraiment française ?" Justine Vialle
 
 
     "C'était au collège, quand je commençais à dessiner des mangas, je ne m'intéressais pas à un autre aspect du Japon à ce moment-là. Une camarade d'origine japonaise me fit écouter une musique. C'était une musique douce, jouée au piano - la mélodie m'a complètement enchantée et c'est à partir de cet instant que j'ai voulu apprendre le japonais. La langue me parut si simple et douce, il y avait une harmonie parfaite entre les voix et le piano, j'en étais éblouie. Les voix qui chantaient en japonais me paraissaient fascinantes, je voulus comprendre et parler le japonais, pour prononcer d'aussi belles paroles." Septime Bassingha 
 
     "Au cours de mon premier voyage, seule à l'étranger, un incendie sur la voie contraint l'ensemble des voyageurs à s'arrêter à la gare de Franckfort. Aucune information ne nous fut apportée. J'étais perdue au milieu de ce paysage que je ne connaissais pas.
     Pour me sortir de cette situation délicate, je tentais alors de franchir, de briser, cette barrière de la langue, ou plutôt cette succession de voyelles et de consonnes qui mises dans cet ordre m'étaient totalement étrangères.
     À force d'effort et d'attention, elle me parut presque familière, c'était clair désormais, elle délivrait son sens dans son essence, dans ses envolées et ses éclats."  Anaïs Caulat
 
 

Crayon de papier

     "C'était en CP, nous étions tous assis à notre place habituelle, le silence régnait sur la classe. Chaque élève tenait un crayon de papier à la main, en écoutant attentivement les consignes de la maîtresse. L'exercice d'écriture commença et le stress s'installa peu à peu.
     C'était le jour le plus important de notre vie d'écolier. Nous voulions nous surpasser, nous voulions prouver que nous étions devenus grands.
     C'était pourtant un exercice qui ne nous était pas inconnu. Nous l'avions pratiqué tous les jours depuis des semaines. C'était presque devenu un jeu. Mais ce jour-là, le fait de recopier des lettres avait pris beaucoup d'importance, car juste avant de commencer, la maîtresse nous avait annoncé qu'à la fin de la journée, elle déterminerait qui pourrait écrire au stylo (comme les grands)." Cécilia Lourdes Maguimey


 
     "Je n'ai jamais aimé l'école avant le lycée, sûrement à cause des professeurs qui n'étaient pas tendres avec moi. Mais celle qui m'a le plus marquée est madame S***, professeur de français au lycée. Un jour ma trousse est tombée par terre, et là, elle me balance : "Anastazja, vous n'êtes pas encore femme de ménage." Je l'ai avoué il y a peu à ma mère." Anastazja Szuba
 
 

Nevertheless

 
    "Réfugiée dans la chambre apaisante et calme de ma soeur, elle assise en tailleur, moi allongée à ses côtés. Nous révisions ensemble les épreuves du bac depuis quelques jours. Son calme et son imperturbable concentration ma valurent d'étudier avec elle. En anglais, nous apprenions les mots de liaison par coeur, elle me trouvait des moyens mnémotechniques que j'approuvais tous sans exception. Nous les récitions tous, l'une à l'autre, plusieurs fois à la suite. Comme ce mot "nevertheless", qui commence par un "N" comme sa traduction, "néanmoins". Tellement facc=ile, tellement évident. "Nevertheless, néanmoins, nevrtheless, néanmoins...", répétait ma soeur en insistant sur les "N". Le jour du bac, j'étais fière d'avoir employé ce mot, je le rapportai à ma soeur : "j'ai utilisé "nevertheless" ! Ma phrase était semblable à quelque chose comme : les filles sont sorties en trombe, alors qu'il pleuvait depuis quelques secondes. Nevertheless.. alors que !"
     Mais comment ne m'en rappelai-je pas ? j'avais le sentiment d'avoir trahi ma jumelle, elle qui m'invitait chaleureusement dans son cocon pour m'aider. C'est ça, je l'avais trompée. À ce moment, je sentis la culpabilité monter en moi." Cassandre Jack
 
 

Peut-être

     "J'avais treize ans, je vivais avec mes parents et mes deux soeurs cadettes. Ma mère avait décidé d'engager une jeune fille au pair d'origine hispanique, pour nous apprendre à moi et mes soeurs les bases de l'espagnol.Wendy, jeune mexicaine, était arrivée chez nous et essayait d'apprendre le français à son ryhtme. Petit à petit, des mots ressemblant au français sortaient de sa bouche, cependant elle se trompait encore sur la prononciation. Quand on lui disait "peut-être", elle comprenait sa signification "puede ser", "quizàs", mais quand elle le répétait, cela sonnait plutôt comme "poutré". Ma famille et moi ne relevions pas, faute d'attention et n'ayant aps envie de la déstabiliser. Pendant presque six mois elle dit "poutré" à tout son entourage, elle nous avait même convertis. mais un soir, en rentrant des cours de français qu'elle suivait, elle nous demanda si "poutré" était un vrai mot. On lui expliqua que non et la cuisine fut envahie de rire." Mathilde Gignoux
 

Salud

 
     "Depuis que je suis arrivée en France, ma perception par rapport aux langues a changé. D'un coup je réfléchissais tout le temps pour utiliser des mots, ce n'était plus quelque chose d'automatique. Même, de temps en temps, je réfléchissais à propos de la pensée, les personnes qui m'entourent, pensent en français et moi je pense en espagnol. Il y a quelques jours, à l'abbaye de Maubuisson, j'ai éternué et Iris m'a dit "À tes souhaits !". Elle m'a alors demandé ce qu'on disait dans mon pays lorsque quelqu'un éternue : on dit "salud" (on prononce "saloud") et ça veut dire "santé" (et non "salut"). Les copains qui étaient là ont ri, parce que c'est quand même marrant de dire "Salut !" lorsque quelqu'un éternue... Alors à nouveau cette réflexion sur la langue revient en moi : même pour les blagues, il faut bien connaître les langues." Angela Martinez




     "Je ne me souviens pas d'une langue mais de quatre. Se mélangeant et cheminant difficilement les unes avec les autres, les unes contre les autres et parfois les une par-dessus les autres. Le tout parsemé de rires et sur fond musical. Espagnol, français, français, anglais, chinois, anglais, français à nouveau... Un Vénézuélien, un baroudeur, deux Bretons, une Taïwanaise et moi. de cet immense fatras linguistique ressort l'idée que même non maîtrisée, la langue, les mots font sens. Le monde s'éclaire lorsqu'on ouvr ela bouche. Telle personne passée inaperçue par sa maladresse s'illumine avec l'aisance et la fluidité de sa langue maternelle. Enrique n'osait pas, vivien et son frère ne savaient pas, Chu Ping suivait difficilement, Clément, le seul à l'aise, riait, et j'étais perdue. Affolée de tant de nouvelles possibilités. Découvrir une langue, c'est découvrir un monde, la comprendre et la maîtriser, c'est l'habiter. Ce jour-là j'ai vu beaucoup de paysages et je cherche toujours celui où m'établir, en m'imaginant bien, sil faut poser un pied, en poser un dans chaque pays." Solène Petit