Visual poetry


In Poetry Project as in life, one confronts a choice: to grapple with the particulars of reality, or to soar in imagination. A partir d’une photo ou de souvenir, sur le thème de la ville, les élèves ont été invités à écrire un poème sous forme de calligramme.

Desert Town - Cendrine Buisson



Sea - Julie Derungs




Médiateurs de l'exposition d'Alain Rivière-Lecoeur, Entre Homme et Animal, à la Petite Galerie



Lundi 2 avril 2012 : les élèves de Moyenne Section de l'école des Moissons (Vauréal) découvrent l'exposition d'Alain Rivière-Lecoeur. Cinq étudiants de MàNAA échangent avec les enfants sur la photographie en général, les photographies qu'ils viennent de voir, puis offrent aux jeunes visiteurs des marionnettes en carton, représentant les animaux présents à l'exposition...








Cette rencontre a "porté ses fruits" : à la maternelle des Moissons, le lendemain matin, les écoliers ont été photographiés aux côtés de leurs animaux de carton...

Spectateurs du documentaire Les Molex, des gens debout de José Alcala

Jeudi 22 mars : dans le cadre de Télémaques (Association Savoir au Présent) les MàNAA rencontrent Pascal Verroust, le producteur du documentaire de José Alcala, Les Molex, des gens debout.








Spectateurs des Trois Parques m'attendent dans le parking de Jacques Rebotier, au Théâtre des Amandiers

Evénement, Rêve, Souvenir... En réponse aux trois mots qui constituent la trilogie R.E.S. de Jacques Rebotier (dont Les Trois Parques sont le deuxième volet) les étudiants ont tout dit... en trois mots.















"Le rythme ondule, il est hétérogène. Certains passages sont dynamiques, intenses et presque haletants (dialogues soutenus, rapides, enchaînés), avec des cris, des explosions (pomme, néon...). D'autres sont lents, flottants, propices au suspens."


Léa Cornilleau, Marine Rolland, Julia Derungs



"Le texte comme une partition de musique"


Pierre Versaevel, Isabelle Durbourdieu, Sofia Boggio







"Les masques déstabilisent, poupées de cire irréelles, séparation entre réel et fiction, la scène et le public"

Pierre, Isabelle, Sofia









"Une porte et un panneau indiquant "ORTIE DE SECOURS". Mais il s'agit aussi d'un espace mental dans lequel est projeté l'imaginaire des trois Parques"

Grace Essiyo, Cyrille Gaonach, Cendrine Buisson, Déborah Blay-Ferrer











"Quand les actrices ne parlent pas, elles : - tissent la vie avec la naissance (futur), la vie (présent), la mort (passé) - déambulent sur scène avec des valises aux roues lumineuses."


Pierre, Isabelle, Sofia




"Le spectacle rend le spectateur à priori pessimiste, transmettant le sentiment d'être enfermé dans une société en crise qui régit nos actes, voire nos pensées. Cependant avec du recul, elle offre la possibilité de relativiser. Si cette pièce dénonce tout cela, c'est peut-être que l'art est un espoir de s'en sortir."


Alice, Laurène, Laura





"Une scène particulièrement marquante. Lorsque les femmes portent un masque soulevant la question de notre propre identité. Est-ce que le masque que l'on choisit de porter, révèle finalement notre propre personnalité ?"

Alice Jacoly, Laurène Parisot, Laura Vainqueur



Spectateurs de la trilogie Des femmes - Sophocle mis en scène par Wajdi Mawouad

Sophocle, Electre (Sara Llorca)


La Reine de ma nuit


Sara, les jours ont passé, cependant, chacun de mes membres tremble encore lorsque je pense à ta prestation.

Je n'oublie rien de cette nuit, de la boue dans laquelle tu te roules et sombres toujours plus. La boue justement, celle qui t'enivre de toutes parts, court le long de ton corps et danse au bord de tes hanches. Celle qui te ronge de l'intérieur aussi, qui mêlée à l'eau te glace doucement le sang.

Et moi je suis là et je t'attends. J'attends que tout s'enlise, que tu te noies dans ta misérable vie, en suffoquant, poignardée par le froid. Mais rien de t'arrête, ta prestation me coupe le souffle : pas de tremblement, de mains fripées, ni même de voix enrayée. Non.

Le ciel s'assombrit, ton corps j'en suis sûre, commence à pourrir. Et toi ? Toi tu survis.


Fiona Solé



Un cri puissant


Un cri. Oui ce qui définit à la perfection le personnage d'Electre dans la troisième pièce éponyme de la trilogie Des Femmes mise en scène par Wajdi Mawouad. Un cri puissant et déchirant poussé par Sara Llorca, fascinante de colère, à la frontière de la folie, ressassant le meurtre de son père tout en en projetant deux autres. En total accord avec le choeur qui l'accompagne dans ses répétitions des crimes à venir, l'actrice laisse s'exprimer toute la violence de son personnage avec une intensité spectaculaire. Sa fureur terrasse le spectateur oppressé, autant que la soudaine révélation de sa fragilité le choque, à l'annonce de la prétendue mort d'Oreste. Mais l'explosion de joie qui suit la découverte de la supercherie, est encore bien plus impressionnante, et le sourire sincère d'Electre que nous ne pensions pas pouvoir trouver sur ce visage défiguré par la haine et les larmes nous émeut. Le jeu sensuel entre le frère et la soeur qui s'enclenche alors au son de la musique puissante du choeur, voit disparaître la boue qui engloutissait progressivement Electre dans son décor de bas-fonds, à l'aide d'une eau claire et pure. Celle-ci n'ôtera cependant à aucun des deux protagonistes leur volonté meurtière, qui s'achèvera comme cette pièce avait débuté. Par un cri.


Cendrine Buisson




Sophocle, Antigone


Une scénographie sombre de métal, signée Emmanuel Clolus, marque la déraison humaine. En témoigne la mort d'Antigone emmurée sur ordre de son oncle Créon.


Thimoté Basile




Sophocle, Antigone



Un choeur torturé



Peu à peu la lumière s'éteint.

L'obscurité dessine des silhouettes au coeur de la scène, assises, légèrement abritées d'une bâche recouverte d'eau. Elle ruisselle, le cliquetis des gouttes résonne sur les planches du théâtre.

Quelques secondes plus tard, une voix, un chant, un air de guitare, un timbre, une note, des accords... une identité.

Mon coeur se serre, je me redresse. Ô sombre héros de la mer. Sombre héros au coeur buriné, aux pensées torturées, à l'avenir souillé, au destin malmené, gâché.

Cette voix, reconnaissable parmi des centaines, aux tourmentes connues de tous.

La salle noire de désir semble également subjuguée par une telle présence vocale. Un choeur choisi à la perfection bien qu'au coeur de polémiques foudroyantes.

Cependant ce rôle n'est pas destiné aux chanteurs de variété aux joues rosées. Non, des tragédies doivent être exprimées de la sorte avec rage, conviction et compréhension. Un choeur torturé nous ancrant dans l'histoire, une folie névrosée qui nous obsède sept heures durant. La trilogie prend tout son sens, les mots deviennent compréhensibles, la douleur a enfin une image, les comédiens semblent poussés par l'énergie des chants. Une folie suinte de rang en rang. Je ressens l'envie de sauter sur scène, de me défouler, de sortir ma rage. Pourtant je suis au Théâtre des Amandiers, je ne suis pas Déjanire le coeur en mal d'amour, et je trouve le sommeil...


April Paupy



Puis il y avait Bertrand Cantat


Des Femmes fut l'une des plus marquantes de mes expériences théâtrales : trois pièces à la suite... Sera-ce trop long ? Puis il y avait Bertrand Cantat. Un temps enchantée, je me suis rappelé, je me suis demandé si c'était bien sensé de faire chanter le malheur des femmes à Cantat, si artiste soit-il...

Et ensuite j'ai oublié. Parce qu'il est venu habillé en voix, j'ai oublié l'homme derrière ; parce qu'il s'est avancé, seul, au beau milieu des Trachiniennes, presque comme dénudé, et a entonné cet a capella, dans un français étranger, parce qu'il était si puissant dans sa tranquillité, et si tranquille dans sa puissance, et parce qu'il avait la voix et l'être qui se fêlaient, à cause de tout ça j'ai oublié ce que j'avais autour, ce qu'il y avait avant, j'ai oublié Vilnius.


Ludmila Bogatchek





Sophocle, Les Trachiniennes

Des frissons pour le reste de la nuit


Projetés dans un univers de passions, c'est face à des acteurs possédés par la souffrance de leur personnage que nous nous retrouvons. Des seaux d'eau renversés, des projections de boue, de la nudité mêlée à de la terre, des hurlements qui sortent des tripes, des étreintes et des coups.

Alice Fouché



Sophocle, Les trachiniennes


Hommage aux femmes

Choisir Bertrand Cantat pour le choeur, voilà un étrange choix de la part de Wajdi Mawouad. N'est-ce pas lui qui a tué sa première femme et vécu le suicide de la seconde ?


Peut-être est-ce cela qui m'a émue, et qui donne à la trilogie Des femmes toute sa profondeur. La scénographie, les costumes et le jeu des acteurs sont appréciables, mais par-dessus tout ressort la voix rauque de Bertrand Cantat, comme un cri du coeur qui nous bouleverse de l'intérieur. On redécouvre un artiste à peine sorti de prison, et on en oublie presque son passé, tant il est touchant dans son hommage aux femmes.


"Car le Chronide qui régit toute chose, aux mortels n'a jamais accordé de vie exempte de souffrances. Peines et joies pour tous tournent sans fin, comme le fait l'ourse autour du pôle." Déjanire - Bertrand Cantat


Coline Eliot






Sophocle, Electre


Les sept heures bien trop rapides


Décor contemporain, acier, meuble vieilli, installation technique et technologique, jeu de lumière constant avec les costumes, et beaucoup de mobilité dans le décor : pluie, cage, mur, sol, boue, chaise, banc. A chaque passage s'adaptait une ambiance, un paysage.


Durant ces sept heures de jeu, de nombreux actes, gestes, phénomènes se sont reproduits. L'eau. Présente dans chaque pièce, celle-ci lave, celle-ci accable, celle-ci rapproche. L'emprisonnement. Mural, tombal, drapé. La mort, et justement ce drapé funèbre : le père changé en femme sous le drap, les corps enroulés, ou les deux cadavres recouverts, cachant le meurtre. Et toujours cette femme, fille que le destin accable de lourdes missions.


Une représentation efficace, changeant les codes barbants du théâtre ancien. Danse redondante, chant, nouveau jeu de scène, changement ou ajout de mots. On se retrouve plus alors dans ce théâtre, à la fois porté sur un message anti-misogyne mais aussi sur le rappel d'un théâtre festif et décalé.


Yann Roussel





Sophocle, Antigone (Charlotte Farcet)



Antigone était un fantôme



L'entrée d'Antigone fut magistrale.

Les rideaux tournoyaient, tachés de rouge.

D'abord elle sortit la tête.

Je fus effrayée, vraiment.

Puis elle sortit entièrement, marchant doucement, froidement, vers les spectateurs.

Dans sa robe repliée, il y avait de la terre, qu'elle lâcha, arrivée en bout de scène.

Une musique étrange l'accompagnait.

C'était un moment mystique.

Antigone était un fantôme.

Son regard était vide,

Son visage fermé,

Sa présence unique.

Quand elle parlait, il y avait un peu d'écho.

Sa voix était un peu cassée.

Cela ressemblait à des lamentations...

Julia Derungs



"Il faudrait ne jamais devenir grand" - Anouilh

Beaucoup d'hommes refusent ce qui leur est imposé, refusent de ne pas gérer entièrement leur vie comme ils le souhaiteraient.


Antigone est l'un de ces hommes. Elle ne veut pas se plier aux décisions des autres. Elle veut se battre, se battre pour diriger sa vie. Défendre ce qui lui cher. C'est une femme forte, qui porte le monde sur ses épaules. On peut ressentir toute sa force à travers ses cris. Ses cris de vie. Soutenus par les chants. Par les mélodies de son histoire, échos vertigineux à ce qui va se jouer devant nous. On en sort troublé, mille fois durant le spectacle on aimerait la sauver. Sauver son bonheur. Mais pouvait-il en être autrement ?


Anaïs Léger



Ecrire la ville - Trois-quarts d'heure dans la vie d'une ville

Tentatives d'épuisement d'un lieu en quarante minutes.
Dimanche 16 octobre, 12h10. Sur les marches de la place du huit Mai, à côté du marché couvert, face aux quais de Seine. Par une fraîche matinée ensoleillée d'automne ou de loin le temps que je préfère. Feuilles mortes à mes pieds.
Un vieil homme dans sa décapotable stationne, me regarde. Ca n'est pas un marché ce matin mais une « brocante de collection ». Il va bien dans ce décor.
Camion, petites voitures, longues voitures, voitures familiales défilent. Peu de monde sous les halles, elles ne se dirigent probablement pas vers la brocante.
Certains courent, certains marchent, d'autres se promènent mains dans les poches, à l'abri de cette fraîcheur pourtant agréable. Certains sont à vélo et il y en a qui font de l'aviron. C'est dimanche, on sort, on profite.
Me voilà assise juste à côté de l'arrêt du bus qui ne passera pas aujourd'hui, déjà rare la semaine. A gauche, panneau « rue des Ecoles ». Il n'y a jamais eu plus d'une école ici. Le panneau de stationnement indique « les mercredis et samedis de 00h00 à 15h00 ». Jamais vu un chat à minuit le samedi soir dans ce coin.
- « Un beau soleil ce matin » que cet inconnu me dit. Le monument aux mort est à l'ombre de ces rayons qui piquent mes joues. Tous les automobiles vous aveuglent avec leurs reflets.
Le pavé est usé, les murs aussi. La peinture de la rampe d'escalier sent la rouille d'ici.
Un jeune homme se gare à côté du « stationnement gênant » sur le passage clouté, puis se dirige d'un pas assuré vers la brocante. Ca en fera au moins un. A l'ombre des halles, de vieux livres jaunis et un meuble en bois que je distingue. Le jeune revient, puis redémarre. Il n'en a pas eu pour longtemps. Etait-il préssé ?
D'autres, baguette bien blanche ou plutot cuite, à la main ou sous le bras, prennent leur temps. Eux s'arrêtent devant moi pour séparer leurs chemins? Ils ne seront dans tous les cas, pas bien loin les uns des autres dans ce bout de ville.
12H32. Le trafic se calme par moment. C'est l'heure d'aller mettre cette baguette sur la table. Ils étaient moins du matin, ceux qui se dirigent seulement vers la boulangerie, le pas moins tranquile que cette dame âgée sacs bien garnis sous le bras.
Ils passent sous les halles avant de rentrer manger. Peut-être que dans toutes ces vieilleries parfois cafardeuses ils dénicheront un bouquin ou des tasses à café dont le vécu les touche. Bref, ils ressortent les mains vides, pas l'air frustré pour autant. Ces deux femmes, amies ou soeurs, ou voisines ? Peu importe, elles décident de faire une pause devant la Seine qui scintille quelques instants. Le bruit des voitures et autres moteurs n'empêche pas cette place d'être calme, toujours.
L'unique panneau publicitaire à ma vue parle de qualité de vie. Un silence énorme s'abat: plus rien. Seulement un de plus avec sa baguette. Une voiture passe, puis une autre en sens inverse...Mais ce lourd calme muet persiste. 12H42 :cela doit être pour ça.
Le bruit de la chaîne de quelques vélos se balade. Le panneau élèctronique doit afficher une température douce de son autre face, ça se promène ce midi. De mon côté, il annonce l'anniversaire du jumelage : un dix en chiffre romain clignote en orange. Est-ce donc un jour de fête ?
On vient récupérer la moto garée près du monument : bruit de fermeture-éclair d'un gros blouson, puis de moteur. Ils finissent par vous bercer. Celui-là avait quelque chose d'aigu. Un autre semble s'essoufler et celui venant de droite est plus profond. C'est toute une symphonie. Plus rien à nouveau, me temps de quelques secondes avant que cette mélodie ne redémarre.
12H48. Les arbres sont encore trop verts, ce n'est que le début de la saison qu'ils appréhendent. Les feuilles qui sont déjà au sol vont pourtant mieux dans ce décor.
On entend discuter de lundi, de la soirée de la veille ou de la semaine prochaine ou bien passée...Ca dépend des états, en fait. Ce peu de monde fait que l'on entend bien ces bouts de causeries.
Les habitants rentrent avec leur pain, les promeneurs avec un service de vieux couteaux encore précieux en prime. Cela fera toujours ça d'acquis pour ce dimanche. Ce dimanche dans cette ville.

Alice Fouché









17h45 : Le monde va et vient. Une femme pressée fend la foule devant moi : nerveusement, ses talons cliquètent au rythme de ses longues enjambées. Patience.




17h50 : Toujours la foule, malgré le jour qui décline, en branle, coulante, roulante, identique, changeante.
17h51 : Un homme, un enfant qu'on surveille, un bruit, des admonestations, des pleurs. Punition.




17h52 : Les mégots par terre, l'odeur nauséabonde de l'asphalte qui chauffe au soleil d'automne, hargneuse fin de journée.




17h55 : A l'Ouest rien de nouveau. A L'Est non plus. Ni Nord, ni Sud. On me jette un regard suivi d'un rire moqueur, passez votre chemin ?




17h59 : Des chiens, enfin, UN chien aboie, promené par une femme que personne ne remarque, à qui personne n'accorde un regard, une pensée. Elle est comme invisible dans son large sweat noir. Elle a pourtant l'air gentil, intelligent.




18h04 : Je change de position. De l'angle de la rue déboule un couple. L'entente n'est visiblement pas au beau fixe entre ses membres. Elle marche devant, décidée, résolue. Lui, tente de la suivre, de la rattraper, l'air contrit. Elle redouble de vigueur quand il agrippe son bras.




18h06 : Les bus se croisent, s'entrelacent en un ballet vrombissant. C'est presque agréable à regarder.




18h07 : Un contrôleur. Une voiture de fonction estampillée du logo (de taille indécente) de leur employeur.




18h08 : Une marée humaine inonde le quai. L'arrivée d'un RER sans doute. La foule se secoue, s'épaissit, se scinde : chacun rejoint la prochaine étape de son périple. Quotidien peut être, qui sait ? On reconnaît un autre, on se salue, parfois avec un sourire que la fatigue n'aura pas réussi à grignoter. Toujours l'odeur, la chaleur, le désagrément et sa fatalité implacable.




18h13 : Les voyageurs sont comme guidés, commandés, dirigés, programmés. Sans adresser un regard à quiconque, ils avancent, les yeux tournés vers ce qui est absolument devant eux. Vides. Pour certains, le retard est le pire des maux sur terre.




18h16 : Une femme blonde à faible corpulence court après un bus qui a déjà démarré. Elle le rate. Pourtant, une autre femme l'a eu, elle. Une quinzaine de secondes auparavant. A côté de moi, on fronce le nez. L'odeur.




18h20 : Nouvelle vague moins dense, un vélo, un landau, des enfants que leur mère réprimande. Ils poursuivent leurs jeux sur le trottoir.




18h21 : Les bus poursuivent leur chorégraphie, jusqu'à ce que les Hommes aient déserté le lieu.




18h22 : L'odeur est moins agressive. Elle est présente, toujours, fidèle à son intensité mais on s'y habitue. Mes voisins doivent se faire la même remarque : ils ne plissent plus les ailes du nez.





Marine Rolland









Jeudi 13 octobre, 19h07









Il commence déjà à faire nuit, les arbres sont une masse dentelée.
Deux voitures à droite, grise et verte, une à gauche, noire, puis une à droite, grise encore.
Il y a une véranda allumée dans l’arrière-plan, c’est étrange comme elle est en pente et comme elle est belle.
Deux voitures à gauche, rouge et taxi noir. Il y a une grande camionnette sur le trottoir, à contre-sens, à cause d’elle les voitures roulent au milieu sous ma fenêtre.
Une lumière étrange dans une fenêtre, rouge puis blanche puis vert bleutée, ce doit être une télévision.
Une voiture à gauche, noire.
Les voisins d’en face doivent avoir une piscine, ça se reflète sur leur façade, ça serpente.
Une voiture à droite, grise à toit ouvrant, puis une à gauche, noire. Les couleurs sont tristes. Puis une grise encore.
Si je me penche bien de chaque côté, je vois cinq lampadaires dans ma rue.
Un avion a mis 2 minutes, 47 secondes et 51 centièmes pour arriver à droite puis disparaître derrière les coteaux, aux 5/6 droits.
Une voiture grise, blanche, noire, noire, blanche, grise, grise, gris foncé, noire, grise, grise, grise, grise, grise. J’en ai assez. Je regarde les maisons.
Je vois des façades, des clairs obscurs, selon les lampadaires ; ils se raréfient avec les rues, sur la colline, on n’éclaire les arbres que s’ils sont propriété.
Un homme traverse la rue en diagonale, sans hâte de rencontrer le trottoir.
Le portail d’en face s’ouvre, la lampe clignote agressivement, c’est une voiture noire. Ils laissent le portail ouvert.
Deux étages au-dessus de la véranda, il y a une fenêtre, et dans celle-ci, une chambre beige et des étagères, une lampe au plafond et un lit superposé.
La camionnette qui était garée ne l’est plus, fait péniblement demi-tour, renonce, met ses warnings, retente, puis en fait, entre dans une allée.
Une voiture rouge ! C’est la seule couleur. Elle fait demi-tour à l’ancienne place de la camionnette.
Un cortège de voitures.
Un homme entre dans son portail vert après avoir parlé au propriétaire de la camionnette, qui était devant son portail vert à lui.
Une femme aux cheveux blonds et courts dans le premier portail vert, entreprend d’aider son mari à fermer les volets.
Une échelle gigantesque sur une camionnette. Les volets n’ont pas encore terminé d’être fermés en face.
Une mère et sa fille, avec une anse chacune de leur sac de courses, vont de droite à gauche et traversent devant moi, puis disparaissent sous le bas de la fenêtre.
Une lumière s’est allumée dans un jardin et découpe une dentelle d’épicéa.
Un homme avec un attaché-case et un portable à l’oreille droite.
Cette véranda me fascine, elle doit faire des kilomètres carrés, des milliers de mètres de transparence. Je crois que tout compte fait, la chambre au-dessus est jaune. Il y a une tache blanche dans le ciel, un nuage curieusement ovale, bien éclairé par la ville.
Un homme tout en noir, avec un sac si lourd qu’il penche du côté opposé. J’ai pas eu le temps d’écrire que déjà il était plus là.
La voiture noire retourne dans son portail, qui clignote encore violemment.
Il y a un bruit d’avion à moteur qui descend dans les graves, puis se stabilise, pendant 48 secondes et 94 centièmes.
La voisine sort de sa voiture, met son manteau, dit bonjour à une autre voiture en mettant son manteau, vérifie la rue puis rentre chez elle. Une autre lumière sur la véranda.
Les armoires d’électricité en bas dans la rue font réflecteurs, elles éclairent le mur de leurs deux flancs.
Un scooter avec un ridicule bruit d’insecte, quelqu’un qui crie pour interpeler Juliette, et une voiture grise, noire, blanche, noire, noire, blanche, grise, blanche, gris foncé, grise, blanche, grise, grise, noire, noire, blanche…

Jeudi 13 octobre, il est 20h07, les gens ne marchent pas assez, les gens sont tristes dans leurs couleurs, et oui ma sœur, je t’entends chanter par-dessus la radio.






Ludmila Bogatchek



















18H52 : deux jeunes filles passent avec leurs emplettes de la journée. 18H55 : une femme en tenue de soirée marche d'un pas rapide avec une pâtisserie à la main. 19H01 : un enfant s'amuse et pousse des cris de joie sur un manège. Des enfants passent à côté et le regardent, avec envie. 19h05 : cinq jeunes ; trois garçons et deux filles sortent du fast-food avec chacun une glace à la main. 19H11 : les voix des machines caisses express « Bonjour, bienvenue à la Caisse Express » « Sélectionnez votre moyen de paiement » « Le magasin vous remercie d'avoir utilisé les Caisses Express » commencent à donner le mal de crâne. 19H14 : une mère de trois enfants se fait contrôler à la sortie du magasin. A la même heure, un vieil homme prend un caddie. 19H17 : le vendeur d'une boutique de lunettes s'ennuie toujours à son bureau. 19H21 : un jeune marche en écoutant de la musique à fond provenant de son portable. Je reconnais la chanson de Sean Paul. 19H24 : un petit de six ans environ court. Juste derrière sa mère essoufflée et le visage plein de colère. 19H26 : j'écoute sans le vouloir la conversation de deux jeunes filles « Dte façons jviendrai vers quinze heures demain et on verra bien... » 19h32 : le vendeur qui s'ennuie ferme sa boutique. Au même moment, j'ai droit au sourire d'un petit garçon. 19H36 : une femme âgée s'assoit sur le banc, jette un coup d'œil à ma feuille. Elle me demande l'heure et je lui réponds « 19h38 »

Mélissa Louis

Spectateurs de Desdemone de Toni Morrison au Théâtre des Amandiers





Croquis de Julie Matta










« La pièce offre une sorte de suite de l’histoire bien connue de Shakespeare, Othello. On se situe après la mort de Desdemona, qui analyse son enfance, sa jeunesse, son amour, son meurtre. Elle se permet surtout d’enfin exprimer pleinement ses sentiments et par-dessus tout sa colère. Envers son père et sa mère et leur volonté de la contrôler et de l’éduquer à la perfection pour ensuite la donner à un autre noble. »
Cendrine Buisson







« Les musiques drapent les mots, les embellissent, les mettent en valeur, puis se détachent et vibrent elles aussi.
Quant aux chants africains, sonnant comme un vent d’ailleurs, ils résonnent dans la pièce, dans la salle en écho, portés par la douceur de la chanteuse, à la guitare, et ses deux musiciens. »
Marine Rolland








« Lumière tamisée, ciel étoilé suggéré, pureté et transparence mises en avant par la verrerie disposée sur la scène. La pureté et la franchise du personnage principal ressort d’autant plus par la coupe épurée des robes blanches qui donnent alors à voir un ensemble tout en harmonie. »
Alice Fouché



« L’horrible nuit. »
Yann Roussel



« D’une voix forte elle remet en question son destin tracé, sa soumission, l’acte barbare de son mari. On voit apparaître une femme différente que celle décrite dans la pièce de Shakespeare. »
Lucille Dobler



« Confronter ainsi deux univers, l’Afrique et l’Occident, a beaucoup apporté à la pièce, parlant aussi d’esclavage et de xénophobie. »
Anaïs Léger